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Club des 600. Anthony Mortas : « J’aurais pu jouer gratuitement »

20 Juil 2021 12:48   /   A LA UNE, ACTUALITÉS

 

Dans l’histoire du championnat de France élite de hockey sur glace, ils sont six joueurs à totaliser 600 matches ou plus toutes phases confondues. Cet été, nous partons à leur rencontre, avec des interviews qui seront publiées chaque mardi. Premier épisode aujourd’hui avec Anthony Mortas, attaquant international tricolore ayant défendu les couleurs de Reims et Amiens.

Crédit photo : JDA Métropole


Vous faites partie des six joueurs à avoir atteint ou dépassé la barre des 600 matches en Synerglace Ligue Magnus, toutes phases confondues. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Le chiffre ne représente pas grand-chose à mes yeux… c’est ce qu’il veut dire qui m’importe ! Ça prouve que j’ai aimé ce que j’ai fait. J’ai joué au Hockey jusqu’à très tard en arrêtant ma carrière à 38 ans. J’ai eu la chance de vivre de ma passion, alors que j’ai toujours dit que j’aurais pu jouer gratuitement ! Quand j’étais petit on jouait tout le temps au Hockey avec les copains, que ce soit en roller ou même dans les dortoirs avec des mini-crosses. J’ai eu aussi beaucoup de chance car j’ai commencé à Reims au sein d’une très bonne génération de mecs avec qui j’ai encore des contacts. Toute ma carrière a été rythmée par des rencontres qui sont souvent devenues des supers potes. Aujourd’hui je dois avoir 80% de mes copains qui viennent du Hockey et ça c’est beau !

Quel est le secret pour rester plus de 20 ans au plus haut niveau du hockey français ?

La passion ! Je pourrais dire des trucs plus bateau comme l’alimentation ou l’entraînement, mais c’est vraiment la passion. J’ai découvert sur le tard que je connaissais très bien mon corps, que je savais ce dont j’avais besoin. Et j’étais tellement heureux de pouvoir continuer au-delà de 35 ans que mes dernières années ont été les plus belles. Je me rendais vraiment compte et j’ai pu profiter à fond. C’est aussi la maturité, je jouais différemment. Jamais je n’aurais imaginé jouer jusqu’à 38 ans, ça paraissait impossible… en bref, c’était sympa ! (rires)

Vous avez passé 11 saisons sous le maillot rémois – de 1991 à 2002-, qu’est-ce que vous retenez de ces années avec les Flammes Bleues ?

Ce sont mes débuts pros ! Quand j’étais jeune je voulais être kiné et jouer au Hockey pour m’amuser. J’ai été « catapulté » chez les professionnels un peu rapidement puis j’ai été pris dans la spirale infernale du monde pro ! Cela est allé très vite. C’était vraiment de belles années, avec des titres et des équipes au top. Le président Charles Marcelle était un peu notre père à tous, il nous appelait « les gamins ». C’était un club très familial. J’ai eu la chance d’arriver dans le groupe au moment où le club montait en division. C’était des belles années de folie. On était une bande de supers potes avec beaucoup d’internationaux du même âge comme Jonathan Zwikel, les frères Sadoun, les Rozenthal, Lionel Orsolini, Richard Aimonetto. Nous étions un peu « foufous ». On reparle souvent de cette époque-là quand on se revoit.

David Ribanelli, Anthony Mortas et Loïc Sadoun avec la Coupe Magnus

Vous partez ensuite pour Amiens, une seconde maison que vous n’allez plus quitter jusqu’à la fin de votre carrière… Qu’est-ce qui vous a fait rester aussi longtemps en Picardie ?

Jamais je n’aurais pensé quitter Reims à la base… mais le club a été placé sous liquidation judiciaire. Du jour au lendemain on a tous été licenciés. J’étais pas du tout prêt, ça m’a mis un sacré coup au moral. Amiens a été une deuxième famille pour moi, la preuve c’est que j’y suis encore ! C’est une plus grosse structure que Reims. Ils m’ont toujours très bien traité, en me donnant beaucoup d’opportunités, notamment pour préparer ma reconversion. Le président avait à coeur que les joueurs puissent faire quelque chose après leur carrière. Ce n’était pas évident pour moi par exemple qui ai arrêté l’école très tôt. Parfois on te dit « tu vas avoir ça » et tu ne l’as jamais. Moi j’ai demandé du boulot dans une agence immobilière, un mois après je travaillais avec un super patron compréhensif ! Je suis hyper conscient et redevable de la chance que j’ai eu de trouver Amiens.

Un entraîneur vous-a-t-il particulièrement marqué ou apporté durant votre carrière ?

S’il n’y en avait qu’un à retenir, car c’est toujours compliqué de faire des choix : Mikael Lundström, un Suédois passé par Reims (ndlr : de 1994 à 1997). C’est étonnant car il n’avait jamais vraiment joué au Hockey, juste patiné. Tactiquement il était très au point et très à cheval sur les systèmes, ce qui était un peu nouveau pour nous à cette époque. C’était un précurseur. Il était très patient, très attentif, avait réponse à tout… C’est le meilleur entraîneur que j’ai eu, il était incroyable.

Vous vous en êtes inspirés dans votre manière de coacher aujourd’hui ?

Il n’a pas été ma seule inspiration. J’essaye de garder tout ce qu’il y avait de bon chez les différents entraîneurs que j’ai eus.

Anthony Mortas est aujourd’hui l’entraîneur principal des Gothiques d’Amiens

Justement, quelles sont les valeurs essentielles que vous essayez de transmettre aujourd’hui à vos joueurs ?

La première est le travail, mais cela va de soi. C’est surtout travailler les petits détails. Par exemple ce matin, l’entraînement était axé sur le revers car on s’aperçoit que les joueurs vont rarement sur leur revers. Cet été on a deux séances de glace par semaine, donc on travaille tout ce qu’on ne peut pas faire pendant la saison comme le revers ou des exercices de patin. J’aime beaucoup ces entraînements sans pression, où l’on peut vraiment bien bosser sur des points précis pour faire progresser les joueurs. Pendant la saison c’est plus difficile car soit on prépare un match, soit on récupère.

S’il ne devait en rester qu’un, quel serait le meilleur souvenir de votre carrière ?

Les Jeux Olympiques, sans conteste. C’est difficile d’en parler, il faut le vivre. C’est une expérience quasi irréelle, hors-norme, « pas normale ». Mes derniers JO étaient en 2002 et ça me fait toujours des frissons quand j’en parle. A l’époque c’était difficile de prétendre à une médaille donc forcément on a plus profité de l’ambiance générale ! On a fait la fête avec des Ukrainiens, on ne se comprenait pas mais on a rigolé comme des fous (rires). Chaque soir il y avait des médailles olympiques à fêter. C’est un monde un peu « bisounours » où tout le monde est heureux d’être là. C’est difficile à décrire pour moi sincèrement. J’ai toujours dit : j’échange tous mes Championnats du Monde contre une seule participation aux Jeux Olympiques ! J’espère du fond du coeur que les joueurs de l’équipe de France pourront les jouer. Des joueurs comme Pierre-Edouard Bellemare ou Antoine Roussel n’ont jamais eu cette chance malgré une carrière phénoménale, mille fois supérieure à la mienne. En plus le Hockey français a besoin d’être vu et les JO sont une belle fenêtre pour ça, cela met la lumière pendant un mois sur notre sport.

À l’inverse, quel moment auriez-vous voulu éviter de vivre lors de ces 21 saisons ?

La première finale disputée avec Reims contre Amiens (ndlr : Reims avait perdu cette finale 3-0 en 1999). On est passé complètement à travers. Nous étions déjà très contents d’arriver en finale, je pense qu’on s’est trompé d’objectif. On avait une très belle équipe et on a déjoué. Avec plus de maturité on aurait été bien meilleur. Au moins ça a permis à Amiens de gagner… On a été sympa (rires).

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Vous avez commencé avec Reims en tant que joueur en 1991 et vous êtes, en 2021, entraîneur d’Amiens. Comment la Synerglace Ligue Magnus a-t-elle évolué en 30 ans ?

Les clubs se sont professionnalisés. De mon temps il y avait des saisons à huit clubs ! Il y a plusieurs structures solides maintenant. On a un championnat qui ressemble vraiment à quelque chose. Il nous manque juste cette petite étincelle, comme ont eu le Rugby, le Basket-ball ou le Handball. Il nous faudrait une aide extérieure pour développer le Hockey, comme quand Canal + s’est occupé du Rugby ou du Basketball par exemple. Depuis que je suis à Amiens j’ai emmené beaucoup de copains ou même de clients à la patinoire et ils restent tous accrochés, que ce soient des hommes, femmes, vieux ou jeunes, sportifs ou non. Le sport est très attractif, et je ne dis pas ça parce que je suis dedans ! Il nous manque juste un coup de pouce pour passer un cap.

Dans quelle patinoire avez-vous préféré évoluer durant votre carrière et pourquoi ?

Ce serait trop facile de répondre Reims et Amiens (rires). J’ai bien aimé la première patinoire de Grenoble avec ce mur de spectateur que d’un côté. Il faisait toujours assez sombre là-bas, c’était très agréable d’y jouer. J’en ai des bons souvenirs, c’était une belle patinoire à l’époque. Aujourd’hui aussi il y en a de très belles, comme celle d’Angers par exemple, mais celle-ci je l’ai particulièrement aimée.

Entretien réalisé le mardi 13 juillet


Anthony Mortas en bref

  • Né le 13 février 1974
  • Français
  • Attaquant
  • Clubs successifs : Reims (1991-2002), Amiens (2002-2012)
  • Nombre de matches en Synerglace Ligue Magnus : 600 (533 en saison régulière et 67 en playoffs), pour un total de 580 points inscrits dont 213 buts
  • Palmarès : 3 titres de Champion (2000, 2002 et 2004)
  • Fonction actuelle : entraîneur principal des Gothiques d’Amiens

 


Les membres du club des 600

  • Sébastien Rohat, 658 matches (Depuis 2002/2003)
  • Christophe Tartari, 653 matches (Depuis 2003/2004)
  • Damien Raux, 604 matches (2002-2020)
  • Gary Lévêque, 603 matches (2002-2020)
  • Marc-André Thinel, 602 matches (2005-2020)
  • Anthony Mortas, 600 matches (1991-2012)